lundi, 22 octobre 2012
Coup de projecteur sur …
… « Un jour je serai libre »
une interview de Lise Bourquin Mercadé,
éditrice de Kanjil Éditeur.
Dans les années 80, Lise Bourquin-Mercadé créait les éditions Vif Argent et inventait la « cassetine ». Après un long silence la collection a resurgi en 2008 sous le label Kanjil Editions avec des livres CD intitulés Dis-moi des chansons d'Haïti, La légende de Chico Rei, Les matriochkas de Natacha, La reine des poissons.
Mais que se passe-t-il chez Kanjil en octobre 2012 ?
FT: Lise Bourquin-Mercadé, vous venez de publier Un jour, je serai libre… Quel est le sujet du dernier livre CD de Kanjil Éditeur ?
LBM: C'est l'histoire d'un petit garçon né dans une plantation de coton de Louisiane au 19ème siècle, qui est vendu pour aller travailler sur un bateau à roue. Il découvre alors la cruelle réalité de sa condition d'esclave, mais aussi un monde passionnant en naviguant sur le Mississippi et en partageant la vie de l’équipage… À la fin, il pense au pays natal de ses ancêtres dont sa mère lui a parlé et rêve qu'un jour, il partira sur un navire de haute mer jusqu'en Afrique.
Parlez-nous un peu de l'auteur, Sophie Kœchlin
C'est la fille de Philippe Kœchlin, le fondateur du journal Rock and folk. C'est dire que le monde du Mississippi, de la Nouvelle Orléans et du blues fait depuis toujours partie intégrante de sa vie familiale. Bien que française et blanche elle est en empathie avec le problème de l'esclavage. Moi-même, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas me sentir concernée par cette histoire alors que je suis une française de Franche-Comté… Sophie Kœchlin a pris très tôt conscience de « cette injustice » : elle avait 10 ans quand elle a lu Les aventures de Hukleberry Finn...Un jour je serai libre est une fiction nourrie d'une grande connaissance musicale et historique.
Cette histoire ne s'inscrit-elle pas dans la lignée de La légende de Chico Rei et de Dis-moi des chansons d'Haïti ?
Effectivement, je publie toujours des choses "enracinées". Toutes les histoires que je choisis ont un sens et ne sont pas seulement là pour faire connaître aux enfants les cultures du monde – même si c'est un aspect important de mon travail. Je me considère comme un éditeur engagé et je recherche volontiers dans chaque partie du monde des histoires importantes susceptibles de provoquer une prise de conscience des valeurs de fraternité. Depuis des années je m'intéresse à la résistance à l'esclavage. Avec Un jour je serai libre, on pense au discours de Martin Luther King : « I have a dream ». Après l'abolition de l'esclavage Il a fallu longtemps avant que les Noirs des USA arrivent à reconquérir (ou conquérir) leur part d'humanité dans la société américaine et qu'ils obtiennent le respect, le droit de vivre comme ils veulent et de circuler librement.
Ce livre, qui se termine avec un message d'espoir, permet de sensibiliser les enfants a ce sujet. Toutefois, on est dans la symbolique, Un jour je serai libre reste une fiction et n'a pas la prétention d'être un documentaire.
Vous avez publié cette histoire une première fois en 1982 sous le titre Le bateau de Noé, aux éditions Vif Argent. Pourquoi la republier ?
Cette histoire n’a pas vieilli et je suis fidèle à mes auteurs. Aujourd'hui, Sophie Kœchlin n’est pas seulement auteur, traductrice et illustratrice, elle est devenue artiste peintre : j'ai eu envie de lui faire illustrer l'histoire qu'elle avait écrite – avec beaucoup de sensibilité – il y a trente ans. Ses illustrations, dont la palette de couleurs raffinée rappelle son travail de peintre, sont aussi imprégnées de la culture bande dessinée dans laquelle elle a toujours vécu.
Dans l'enregistrement aussi, il y a beaucoup de changements par rapport à l'édition de 1982...
Dans l'édition de 1982, l'auteur mettait l'accent sur l'émerveillement du petit garçon devant le bateau – émerveillement qui l'emportait sur la tristesse de sa condition d'esclave. Pour cette nouvelle édition, le texte a été orienté vers l'apprentissage de la liberté.
Je ne referais pas aujourd'hui ce que j'ai fait il y a trente ans. Dans Le bateau de Noé, j'avais choisi pour récitante Lena Lobe dont la voix avait une coloration noire américaine. La couleur de la voix est aussi une musique qui crée une ambiance. Et j'avais joué sur le contraste entre sa voix très « maternante » et l'univers masculin du Golden Gate Quartet.
Pour l'édition 2012, j'ai cherché une voix plus proche des enfants. J'ai choisi Marion Bouquinet qui n'avait rien enregistré jusque là. Comédienne mais aussi chanteuse, elle a une oreille musicale et fait partie d'une troupe qui crée des spectacles pour les enfants. Elle a une pratique des enfants et anime des ateliers chant et théâtre pour enfants depuis deux ans... Elle sait se faire tendre et complice, mais c’est une voix qui a de l'énergie, qui porte l’appel de la liberté.
Et pour la musique ?
Je n'ai pas repris le Golden Gate Quartet. Je trouve que cette musique a beaucoup vieilli ; elle est tellement proche des cantiques. Je la ressens aujourd'hui comme trop formatée et trop basée sur un consensus religieux. Le negro spirituals n'est pas un chant d'évasion. J'ai préféré le blues.
Pourquoi du blues ?
Les chanteurs de blues parlent toujours de partir, vagabonder, rompre les amarres. Même si c'est un voyage contraint, le premier voyage de Noé sur le Mississippi est déjà une aventure, « le début de la liberté » comme l’écrit Sophie Kœchlin, car, grâce à la fraternité des membres de l’équipage, il devient peu à peu autonome et apprend à chanter avec eux des chants de liberté,
Le blues est un chant de rebelle qui s'échappe de la réalité. On n'a pas prise sur le chanteur de blues et j'aime à cultiver cet esprit rebelle chez les enfants.
Par exemple au moment où l’enfant prend conscience de sa condition d’esclave et que, pour le consoler, sa mère lui raconte son pays d'origine, j'ai associé ce passage du texte avec le superbe Eagle bird de Jessie Mae Hemphill, Ce chant, cette voix de femme forte, l’évocation des grands espaces et de cet oiseau noble et puissant, c'est l'Afrique qui appelle l'enfant.On n'est pas dans la plainte, mais dans l'affirmation d'une identité. Je voulais faire le lien entre ces musiques de liberté et l'émancipation du peuple noir. J'aurais souhaité prendre plus d'enregistrements anciens mais la qualité sonore de certains laissait à désirer.
Je voulais aussi donner aux enfants le goût d'écouter du blues. C'est pour ça, qu'à la fin, il y a une demi-heure de musique pure, après l’histoire, pas plus - pour ne pas les lasser. Je n’ai pas voulu non plus mettre des titres trop violents. On a privilégié des morceaux assez tranquilles qui évoquent le voyage, le départ, l'horizon…
Comment avez-vous choisi les extraits ?
J'ai fait appel à Stéphane Kœchlin, le frère de Sophie Kœchlin qui écrit régulièrement sur le blues (son dernier titre, Blues Vinyl, vient de paraître et il a aussi publié en 2012 Le vent pleure, Marie où il raconte l'histoire de sa famille et l’aventure de Rock and Folk). Je voulais enrober cette histoire dans un univers musical qui rendrait encore plus sensible la nostalgie et l'espoir qu'elle porte. Après plusieurs listes, on a fait une sélection dans le label Black and blue parce qu'ils ont des enregistrements authentiques Et c'est un label français indépendant. (je suis moi-même un éditeur indépendant).
Un mot de conclusion ? Des projets ?
Je souhaitais que ce titre sorte en ce moment à cause de l'actualité des élections présidentielle américaines : c'est quand même la première fois que les Etats-Unis ont un président noir ! Et bien sûr de nouveaux titres en préparation : rendez-vous au printemps prochain…
dimanche, 21 octobre 2012
EVENEMENT: BABAR en livre-CD
le premier album de Babar
et
l'œuvre de Francis Poulenc
enfin réunis dans un même livre-CD
Histoire de Babar de Jean de Brunhoff,
musique de Francis Poulenc.
lu par Natalie Dessay, avec Shani Diluka au piano
Didier jeunesse, collection Contes et opéras
Un jour où Poulenc était en visite chez des cousins, un des enfants de la maison posa son album de Babar sur le piano et lui dit : « joue moi-ça ». Le compositeur, dit la légende, commença ainsi à improviser sur le livre de Jean de Brunhoff. C'était en 1940. L'histoire de Babar le petit éléphant, œuvre pour piano est ainsi créée à la radio le 14 juin 1946 avec Pierre Bernac comme récitant.
Pierre Fresney, Jacques Brel, Jean-Claude Brialy et bien d'autres se sont succédé pour raconter l'histoire du petit éléphant orphelin venu à la ville et recueilli par la vieille dame.
Souvent associé à Pierre et le loup, le Babar de Poulenc a successivement été publié sous forme de disque, cassette et CD, sans livre d'accompagnement, dans des présentations souvent bien peu attractives pour des enfants.
Il a fallu attendre les 80 ans de Babar pour voir réunis dans une même publication le premier album de Jean de Brunhoff et l'œuvre de Poulenc pour piano et récitant. Merci Didier jeunesse pour ce cadeau d'anniversaire ! Depuis le temps qu'on attendait ça (... que j'attendais ça !)
C'est Nathalie Dessay dont on avait déjà apprécié le talent de récitante dans la Petite sirène qui raconte l'histoire; sa voix fluide et souple s'harmonise avec le piano délicat de Shani Diluka (interprète de Monsieur Chopin)
Juste un petit regret concernant l'album : dommage qu'il n'ait pas retrouvé le format rectangulaire de l'édition d'origine. Pour le reste tout est parfait.
A partir de 3 ans