dimanche, 04 février 2018
A ÉCOUTER PENDANT LES LONGUES SOIRÉES D’HIVER (2ème partie)
TROIS PETITS POINTS,
UN JEUNE ÉDITEUR A SUIVRE
Créée en 2015, Trois Petits Points propose des CD d’histoires sans autre accompagnement imprimé qu’un simple feuillet - sur le modèle des « Hörspiel » : ces livres audio jouissent d’une grande popularité auprès du public allemand, enfant et adulte, et cela depuis plusieurs décennies. En Allemagne, les « Hörspiel » sont mis sur le même pied que les autres livres et font même l’objet de critiques et de prix littéraires.
En France, le concept n’est pas nouveau même s’il a été abandonné progressivement au profit du livre-CD (*). Avec leur « maison de littérature sonore pour la jeunesse » Marion Bossuat et Sandrine Moreira effectuent une sorte de retour aux sources. Projet audacieux à une époque où les enfants sont plus que jamais sollicités par l’image.
Paradoxalement, cet éditeur choisit des œuvres où l’aspect graphique est particulièrement réussi. Pour s’en rendre compte, il suffit de citer les noms de Bruno Heizt, Ilya Green et Olivier Tallec. Pourtant, quand on écoute les enregistrements indépendamment de toute référence à l’illustration, on peut facilement se passer du livre. Au jeune auditeur de faire marcher son imagination et créer ses propres images.
Quatre titres parus pour cette jeune maison d’édition, mais déjà un profil se dégage : l’accent est mis sur la qualité des textes choisis et le soin apporté à la réalisation sonore : lectures et mises en scène dans la tradition du théâtre radiophonique ou spectacle musical.
(*) Chez nous, la littérature enfantine sonore sans support de livre a eu son heure de gloire : dès les années 50, on trouve des adaptations de grands classiques et de bandes dessinées en 78 tours. L’engouement pour les textes enregistrés culmine au milieu des années 80 avec le développement de la cassette - de pair avec l’explosion du nombre d’éditeurs de livre audio et la création à Paris d’une librairie spécialisée (Mots et merveilles).
Nadine Brun-Cosme :
Grand Loup & Petit Loup, La petite feuille qui ne tombait pas, Une si belle orange
lu par Laurence Barbasetti, musique de Virgil Segal, pochette et feuillet illustré par Olivier Tallec
CD (31 min) 12,90 €
Paru le 19 novembre 2015
D’après les albums parus en 2005, 2007 et 2012 au Père Castor Flammarion.
De sa voix agréable et paisible, Laurence Barbasetti lit ces trois histoires autour de l’amitié qui unit Grand loup et Petit loup. Ménageant des silences, elle met en valeur la finesse d’un texte délicat et tout en nuances. La guitare de Virgil Segal accompagne les jeux d’approche entre les deux personnages ou la gym du petit loup qui grimpe aux arbres. C’est certainement plus réussi des quatre CD de cet éditeur.
A partir de 3 ans
Bruno Heitz :
Louisette la taupe vol.1 Rapidissimo, Sardine express
Raconté par Yolande Moreau, Tony de Maeyer, Andrés Angulo, ...
Série "Louisette la taupe ",
CD (54 min) 14,90 €
Paru le 19 novembre 2015
Adaptation d’une mini-BD rigolote pour petits créée en 2005 par Bruno Heiz.
Yolande Moreau est parfaite en Louisette. Elle traduit toute la bonhomie et la naïveté propre à ce personnage sympathique et naïf de taupe myope. Voix bien différenciées, nombreux dialogues, bonne articulation des comédiens, illustration sonore discrète et bien venue : voilà une réalisation classique et soignée dans la grande tradition du théâtre radiophonique. Une réussite du genre.
A partir de 5 ans
Elsa Valentin :
Bou et les trois zours. La déjeunite de madame Mouche et autres tracas pour lesquelles elle consulta le docteur Lapin-Wicotte. Zette et Zotte à l'uzine
Raconté par Elsa Valentin, musique de Nicolas Mialocq
CD (36 min) 14,90 €
Paru le 26 octobre 2017
D’après deux albums parus en 2008 et 2013 à l’Atelier du poisson soluble et un à paraître en mars prochain chez le même éditeur.
Bou et les trois ours propose une version de Boucle d’or dans sorte d’espéranto personnel à l’auteur où pullulent néologismes et mots-valise. Et miracle - on comprend tout quand même ! Le même langage décalé se retrouve dans Zette et Zotte à l'uzine, étonnant par son sujet - inédit dans un album pour enfants. : une grève « d’ouvrieuses » avec tous les détails, de la baisse de salaire à la reprise en main par le personnel de « l’uzine ». Pour La déjeunite de madame Mouche l’auteur a émaillé cette suite de consultations pour de rire par des dictons et des bribes de comptines. C’est elle qui raconte en toute simplicité d’une voix douce et souriante comme le ferait une maman. Une jolie ponctuation sonore est donnée par le piano de Nicolas Mialocq.
A partir de 5 ans
Rémi Vidal :
La drôle d'histoire de Joey
Textes et musique de Rémi Vidal
CD (41 mn) 12,90 €
Paru le 16 novembre 2016
Quittant une famille qui veut tout décider à sa place, Joey le lévrier bleu tente de s’intégrer à un gang de chiens des rues. Cette histoire sur l’acceptation de soi s’accompagne de chansons et d’une guitare résolument rock. C’est le fil conducteur d’une sympathique comédie musicale tournée par Rémi Vidal en Allemagne et en Alsace. Paroles des chansons dans le fascicule à l’intérieur de la pochette.
A partir de 6 ans
DES ALBUMS LUS
Emilie Chazerand :
L’ours qui ne rentrait plus dans son slip
Raconté par Ronan Ducolomb, conception et réalisation sonore de Ludovic Rocca, album illustré par Félix Rousseau
Benjamins média, collection "Taille M", livre CD 19,90 €
Paru le 19 octobre 2017
Ça y est l’ours a vraiment grossi : il ne peut plus rentrer dans son slip. Alors il se met au régime ; et ça marche ! mais il devient si mince qu’il n’impressionne plus personne : on se moque de lui et les dames ourses cessent de le trouver séduisant. Rien ne va plus jusqu’au jour où il découvre la vérité... Un chasseur maigrichon a échangé son sous-vêtement avec le sien ! C’est drôle, très drôle tant les illustrations du livre que l’histoire qui culmine avec la rencontre hilarante entre l’Ours et le chasseur. Une musique de jazz ancien accompagne le récit avec ironie. On se croirait dans la bande son d’un film de Woody Allen. Le comédien qui assure tous les rôles prend la distance qu’il faut avec le récit et on rit d’autant plus. Mais cette histoire rigolote a une moralité : on se trompe souvent sur ce qu’on est soi-même et mieux vaut s’accepter tel qu’on est. thème déjà présent dans Un frère en bocal et de La vérité vraie de Mireille Marcassin de la même Émilie Chazerand . Et pour finir un coup de chapeau à Ludovic Rocca et son impeccable réalisation sonore.
A partir de 3 ans
Camille de Cussac :
Le petit chaperon belge
Raconté par Charlie Dupont, musique de Pierre Créac'h, album illustré par Camille de Cussac
Marcel et Joachim, livre CD 15,00 €
Paru le 8 septembre 2016
Notre bon Charles Perrault serait bien surpris de voir son petit chaperon propulsé dans notre monde contemporain : la gamine en rouge est devenue un petit garçon belge, la galette et le petit pot de beurre ont été remplacés par des pots de sauce lapin, et l’aïeule s’est transformée en un père-grand qui tient une baraque à frites.. C’est que l’histoire se passe en Belgique -à Binche précisément - et qu’elle est racontée avec plein de mots de là-bas. Vous pouvez la lire dans le livre avec les images pleines des joyeuses couleurs de Camille de Cussac ; c’est encore mieux de mettre le CD et de l’écouter par le conteur liégeois Charlie Dupont dont l’accent donne toute sa saveur à tous ces « belgiscismes ». Ne loupez pas le lexique, c’est le clou de l’enregistrement ! Pour apprécier tout l’humour de ce conte à peine détourné, juste un peu décalé, il est bien entendu indispensable de connaître l’original.
Certains esprits chagrins crieront à la caricature, bien à tort. Cette succulente histoire est un superbe hommage au « parler français » en dehors des frontières de l’hexagone, une ode à la francophonie.
Et le loup dans tout ça, me direz-vous ? Fidèle à sa réputation, il reste égal à lui-même : il mange tout le monde !
A partir de 6 ans
Maxime Rovere, d'après Lyman Frank Baum :
Le magicien d’Oz
Raconté par Charlotte Gastaut,
album illustré par Charlotte Gastaut
Milan jeunesse, collection "nom",
livre CD 22,00 € (88 minutes)
Paru le 25 octobre 2017
Emportée par un cyclone dans le pays d’Oz, Dorothée part à la recherche du magicien qui lui permettra de retourner dans sa ferme du Kansas. En chemin, elle rencontre un épouvantail sans cervelle, un homme de fer blanc sans cœur et un lion sans courage...Mais vous connaissez déjà l’histoire ! Vous avez déjà vu la célèbre comédie musicale de Victor Fleming avec Judy Garland en vedette. On connaît moins le roman de de Frank Lyman Baum dont est tiré le film : paru en 1900, c’est un des classiques de la littérature enfantine anglo-saxonne. Traduit en français en 193, il n’a cessé d’être réédité. Le roman est long : Maxime Rovère en livre une adaptation fidèle à l’original, même si certains épisodes ont été supprimés ou raccourcis pour entrer dans le cadre d’un album de 90 pages. Il rend à Dorothée ses souliers d’argent (en rubis au cinéma pour cause de Technicolor) et reprend certaines scènes un peu musclées coupage de têtes et arrachage massif d’arbres en bonne santé coupés à l’écran.
Le royaume merveilleux d’Oz va comme un gant à l’univers de Charlotte Gastaut. Alternant des dessins au trait qui jouent sur le noir et le doré et des aplats de couleurs vives elle crée un monde chatoyant, luxuriant, vivement colorés où évolue une petite Dorothée en robe printanière. La surprise, c’est la récitante, l’illustratrice elle-même qui fait une lecture du texte, tout en simplicité et sobriété mais avec toujours certain allant : pas de musique, pas de bruitage dans une sorte de retour aux sources.
Pour mémoire Didier jeunesse lui avait consacré un superbe livre-CD avec les chansons du film voir ce blog du 24 septembre 2014
A partir de 7 ans
DES HISTOIRES...
AVEC DES CHANSONS
Piers Faccini : La plus belle des berceuses
Traduit de l’anglais par Amélie Couture
Actes Sud junior, collection "Livre-CD",
livre CD 20,00 €
Paru le 8 novembre 2017
Au pays de Dormia, le bien nommé, les habitants passent beaucoup de temps dans les bras de Morphée. Mais depuis la naissance du petit Constantin, héritier du trône leurs nuits sont perturbées par les cris du bébé royal qui cherche vainement le sommeil. Et si on lui chantait une berceuse ? Chanteurs et musiciens se succèdent devant le berceau - sans succès. Pourquoi personne ne veut-il entendre la jeune nounou qui possède la solution ?
Les contes dit musicaux sont souvent réussis lorsque leur thème est la musique. Une nouvelle preuve en est faite avec cette histoire de Piers Faccini. Avec un charmant accent anglo-italien, il dit en français son propre texte, joliment traduit par Amélie Couture. Auteur compositeur interprète il a aussi créé les illustrations du livre : de grands aplats de couleurs vives en papier découpé qui laissent de la place à l’imagination. Pour être accessible à un public plus jeune, l’histoire aurait gagné à être un poil plus courte mais la partie musicale qui propose des berceuses dans des langues différentes est parfaitement réussie, notamment grâce à la présence de deux interprètes féminines Djene Kouyate et Florence Comment, qui chantent respectivement en malinké et en hindi.
A partir de 4 ans
AVEC DE LA MUSIQUE
Mathieu Laine :
Le roi qui n'aimait pas la musique
Raconté par Patrick Bruel, musique de Karol Beffa, album illustré par Louis Thomas
Gallimard jeunesse musique, livre CD 24,90 €
Paru le 2 novembre 2017
C’est un tout petit peuple qui vit dans une oasis au beau milieu des sables du Désert. Il est composé de cinq personnes : quatre musiciens : un clarinettiste vif et enjoué, un violoncelliste pensif et mélancolique, un pianiste emporté et passionné, un violoniste tendre et courageux, et un roi ...qui n’aime pas la musique. De façon totalement arbitraire celui finit par interdire non seulement de jouer quelque musique que ce soit et même de lire une partition. Chez les musiciens, c’est l’abattement et la tristesse ; même les palmiers commencent à dépérir jusqu’à l’arrivée d’un voyageur...
Un vrai conte musical, enfin ! L’histoire sur le thème de la musique pourrait exister toute seule en tant qu’album, d’autant que les illustrations de Louis Thomas dans la veine de Ronald Searle et Quentin Blake la relèvent d’une pointe d’humour. La partie sonore est tout à fait indispensable : quand on parle d’un violon, c’est encore mieux de l’entendre surtout quand l’interprète s’appelle Renaud Capuçon. Paul Meyer à la clarinette, Edgar Moreau au violoncelle complètent ce superbe quatuor dont le pianiste est Karol Beffa. Compositeur - rompu à l’art de l’improvisation, il accompagne depuis longtemps des lectures de textes et de films muets. La symbiose est totalement réussie entre le texte, dit en toute simplicité par le chanteur Patrick Bruel qui revêt pour l’occasion sa casquette de comédien
A partir de 6 ans
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